"Nous avons permis à 1 200 experts de gagner plus de 15 % de leur temps global" -Golem.ai

Comment les entreprises françaises et européennes peuvent-elles se démarquer et rester compétitives ? Killian Vermersch, CEO de Golem.ai, nous partage sa vision de l'IA en Europe, mettant en avant l'importance de l'innovation locale, de la frugalité et de l'explicabilité. Avec un accent sur le domaine de l’assurance, au cours de cet entretien, il revient sur les défis liés à la souveraineté technologique européenne, les enjeux de régulation, et les opportunités offertes par une IA éthique et accessible, tout en soulignant l'impact croissant de la digital workplace sur les métiers de demain.

Quelles sont les principales tendances que vous observez en France sur le terrain de la digital workplace cette année ?

Dans le monde du travail, l’IA ne remplace pas les collaborateurs, mais les assiste. « Aujourd’hui, les employés et les entreprises convergent vers une même volonté : celle d’une IA qui allège les tâches répétitives et améliore la qualité des interactions », note Killian Vermersch.

Cette mutation s’observe particulièrement dans la gestion des flux entrants. Golem.ai automatise le tri et l’analyse des demandes clients, permettant aux collaborateurs de gagner en efficacité et en précision. « Un de nos clients e-commerce B2B a divisé par six son temps de réponse aux requêtes commerciales », illustre-t-il.

Deux principes structurent le travail de Golem.ai : la frugalité (à savoir des solutions peu coûteuses en énergie, bien plus légères que l’IA générative) et l’explicabilité (à travers des systèmes transparents et traçables). Cette approche est particulièrement appréciée dans des secteurs comme l’assurance et le service public, où la compréhension des décisions prises par l’IA est essentielle.

Killian Vermersch illustre le besoin de réglementation en reprenant l’exemple des crashs aériens : « On parle souvent de la sécurité des avions Airbus versus Boeing. En réalité, une forte régulation et des normes de transparence renforcées ont permis à Airbus de mieux contrôler ses systèmes et d’améliorer la sécurité. L’IA en Europe suit la même trajectoire ».

Par exemple, l’AI Act qui réglemente l’utilisation de l’IA en Europe, impose aux assureurs de justifier leurs décisions automatisées ou assistées par l’IA. Contrairement aux États-Unis, où une IA peut valider ou refuser une indemnité sans explication précise, en Europe, l’assureur doit garantir la transparence de chaque procédure. C’est donc une contrainte utile, qui renforce la confiance et peut même renforcer l’économie sur le long terme.

Face aux géants technologiques mondiaux, comment les entreprises françaises et européennes peuvent-elles tirer parti de l'IA pour rester compétitives ?

« La France aime bien s’autocritiquer sur son retard technologique. Mais pourquoi avons-nous ce retard ? Trop souvent, on se dit qu’il faut acheter américain parce que les solutions locales ne seraient pas assez bonnes. Or, si nous faisions l’effort inverse, nous pourrions changer cette dynamique et renforcer notre compétitivité », explique Killian Vermersch.

La clef, selon lui, est un cercle vertueux : plus les entreprises françaises et européennes intègrent des solutions locales, plus elles encouragent leur croissance et leur amélioration. « Nous avons une véritable innovation à la française, qui allie frugalité et éthique ». Chez Golem.ai, cela se traduit par une technologie d’analyse et de compréhension du langage qui s’inscrit dans une approche durable et transparente.

Du Proof of Concept à l’industrialisation

L’époque où l’IA n’était qu’un sujet d’expérimentation est révolue. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de tester l’IA pour l’IA, mais d’assurer un retour sur investissement concret à leurs clients. Les Proofs of Concept (POC) menés par Golem.ai sont donc conçus pour répondre à des cas d’usage métier identifiés, avec un impact mesurable dès le départ.

Comment Golem.ai soutient-elle l’innovation locale en collaborant avec d’autres acteurs du secteur ?

Golem.ai met un point d’honneur à promouvoir une intelligence artificielle européenne, adaptée aux réalités réglementaires et linguistiques du continent. « Contrairement aux solutions anglo-saxonnes, notre IA fonctionne nativement avec plus de 30 langues, sans traductions intermédiaires. C’est un atout considérable pour les entreprises européennes », précise-t-il.

La souveraineté numérique est aussi un enjeu majeur. « Beaucoup de start-up françaises conçoivent leurs produits sur des infrastructures américaines, ce qui fragilise notre indépendance. Travailler avec des acteurs européens comme Scaleway permet de garder la valeur et l’expertise en Europe ».

Dans des environnements comme l’assurance, le traitement de flux de données est un défi. Prenons l’exemple des sinistres automobiles : il faut analyser des documents variés et complexes, tels que des constats d’accident, en un temps record. Ces documents nécessitent une prise de décision rapide.

L’IA de Golem.ai extrait automatiquement les informations clés des pièces jointes, rendant les décisions plus objectives tout en accélérant leur traitement. « Cette automatisation améliore la qualité et la rapidité du service. Un expert peut ainsi générer un brouillon de réponse, le modifier si besoin, puis l’envoyer. »

L’impact est considérable : « Nous avons permis à 1 200 experts de gagner plus de 15 % de leur temps global. Notre ambition est d’atteindre 10 % de gain supplémentaire. Le retour sur investissement est impressionnant : de 20 à 30 fois la mise initiale, grâce aux économies en temps de traitement, à la réduction des erreurs et à une meilleure relation client ».

Gérer la complexité de l’adaptation de l’IA aux secteurs régulés

Golem.ai compte parmi ses clients de grandes entreprises issues des secteurs public, de la distribution et de l’assurance, où la réglementation est particulièrement exigeante.

Dans le secteur public, Golem.ai a lancé avec le ministère des Armées un projet de gestion de flux documentaire. « Dès qu’on touche aux données publiques, la sécurité devient une priorité absolue. Nous avons également travaillé avec l’un des grands ordres du domaine de la santé, où nous devons garantir un système fiable tant sur la qualité des résultats que sur la sécurité des données. D’ailleurs, nous avons collaboré avec Scaleway pour comprendre les processus de sécurité mis en place ».

Dans l’énergie et l’assurance, la nécessité d’une IA fiable est tout aussi cruciale. « Les assureurs sont particulièrement friands de solutions comme les nôtres, et dans certains domaines, l’explicabilité est critique. Aujourd’hui, ces exigences tendent à s’uniformiser. Nous avons donc travaillé avec Scaleway pour rendre notre solution opérable sur leurs infrastructures ».

Pour que l’IA soit adoptée et utilisée de manière efficace par les entreprises, elle doit être explicable et alignée avec des problématiques métier bien identifiées. « Ce qui peut freiner un projet d’IA, ce ne sont pas seulement les contraintes techniques, mais l’absence de cas d’usage clairs en amont », souligne Killian Vermersch.

L’explicabilité est un levier clé : elle permet aux entreprises de comprendre les décisions prises par l’IA et d’instaurer la confiance. De plus, elle assure une meilleure adoption par les collaborateurs, en leur offrant une visibilité sur les critères de décision. Enfin, la maturité du marché joue un rôle déterminant. L’IA doit répondre aux attentes des clients, anticiper les besoins futurs et surtout s’inscrire dans un cadre métier précis. C’est en associant expertise métier et performance technologique que nous parvenons à offrir des solutions réellement impactantes

Leur feuille de route en matière de R&D

Golem.ai continue d’innover en intégrant différentes approches de l’IA, notamment à travers l’IA neuro-symbolique. « L’objectif est de faire interagir différents systèmes d’IA entre eux et d’enrichir progressivement nos solutions. Une de nos dernières avancées est un moteur de vision capable de reconnaître des images et l’intégration d’IA générative pour enrichir les typologies de messages des clients, élargissant ainsi le champ des applications ».

L’entreprise travaille également à réduire le temps d’onboarding de ses clients, aujourd’hui de deux à trois semaines.

L’objectif à long terme de Golem.ai dans l’écosystème de l’IA

L’ambition de Golem.ai est de s’imposer en Europe, un marché pluriculturel et plurilinguistique. « Notre IA est naturellement forte en multilingue, contrairement à d’autres solutions qui se limitent à trois ou quatre langues. Nous avons déjà travaillé sur des projets en Pologne et en Hongrie, et de nombreux clients français qui opèrent à l’international ». Il rappelle que les régulations RGPD jouent déjà dans leurs sens un vrai avantage.

Enfin, la souveraineté est un sujet central. « Beaucoup d’IA françaises sont conçues avec des technologies américaines et hébergées sur AWS. Une grande partie de l’argent investi finit chez Amazon, Google ou Microsoft. Il faut s’assurer que les financements européens servent à construire des solutions locales et à renforcer l’écosystème européen ».

Killian Vermersch conclut : « Aujourd’hui, tout le monde parle d’IA, mais elle reste encore peu déployée au quotidien. La transition entre l’innovation et le retour sur investissement passe par la performance, la frugalité et l’explicabilité.

Chez Golem.ai, nous nous engageons sur ces trois axes, en collaboration avec des acteurs comme Scaleway, qui partagent nos valeurs de transparence et d’efficacité énergétique ». Une conviction qui, demain, pourrait bien redessiner l’avenir de l’intelligence artificielle en Europe.

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