Pourquoi adopter le Green IT, et comment ? - compte-rendu de panel
Le numérique représente 4 % des émissions mondiales. Comment pouvons-nous agir pour les limiter ? Quatre experts ont répondu chez Scaleway...
Pierre Lannoy est le fondateur d’Hosterra, une entreprise lilloise spécialisée dans le Green IT. Il propose des serveurs Elastic Metal optimisés en consommation énergétique, qui permettent à ses clients - principalement des agences web - de réduire leur empreinte carbone, et celle de leurs clients. Cela passe aussi par un reporting détaillé, et en s’appuyant notamment sur DC5, le datacenter le plus durable d’Europe. Un client Scaleway exemplaire, à suivre ! Continuez la lecture pour comprendre pourquoi…
Pierre Lannoy: Le Green IT est de plus en plus un must have dans les appels d'offres. Pour les RFP (request for proposal) privés, c’est assez précis. Dans le dernier RFP que j’ai emporté, l’éco-responsabilité et la soutenabilité d’Hosterra, y compris au sens social, ont été des critères importants : 25% de la note, sur ce cas précis. Et je vois cela de plus en plus.
J’ai un vrai avantage dans ces RFP en ayant la plupart des mes infrastructures chez Scaleway. Les infrastructures que je vends à mes clients sont de l’Elastic Metal, où on peut vraiment mesurer la consommation électrique de chaque process. Et comme on peut le mesurer, on peut avoir un impact dessus (en l’optimisant).
Chez Scaleway, cela m’aide déjà énormément d’avoir vos données PUE et WUE [power and water usage effectiveness, ou taux d’efficacité de l’utilisation d’énergie et d’eau]. Mais aussi, le fait que vous faites durer vos serveurs [jusqu’à dix ans, versus trois à quatre ailleurs] m’aide beaucoup aussi. Donc j’ai l’aspect fonctionnement et efficience, que je peux reporter à mes clients ; c’est un vrai plus, que je ne leur cache pas. Enfin, vous ne faites pas de greenwashing ; vous ne vous félicitez pas de choses fausses.
Je travaillais avant pour une très grande entreprise dans le retail, qui a basculé 96 % de son IT de ses propres datacenters vers Google. J’étais en charge de ces contrats, d’une très grande valeur. J’ai vu que je ne pouvais pas me fier ni à l’aspect éco-responsabilité, ni à l’aspect privacy. Sur ce deuxième point, ils prétendent qu’en signant des contrats avec leurs entités irlandaises et donc européennes, cela résout un certain nombre de points liés au GDPR. C’est complètement faux. Une filiale irlandaise reste une filiale : la maison mère a le droit de regard sur tout, du fait de la législation américaine.
Comme je n’arrivais pas à faire bouger les choses en interne, j’ai décidé de créer ma propre entreprise pour faire de l’hébergement de services (web, mail… PaaS en self service). Je voulais montrer qu’il était possible de le faire en France, en respectant des principes d’éthique et de soutenabilité, de monter une société [technologique] qui pouvait être fonctionnelle.
Hosterra a donc été créée en septembre 2022. Le 23 janvier 2023, j’ai eu mon premier client.
Aujourd’hui, notre typologie de clients, c’est :
Quel que soit le type de client, ils viennent par conviction, parce que les valeurs d’Hosterra leur parlent.
J’ai besoin d’un grand niveau d’observabilité, et de mesure des machines. C’est possible uniquement avec les serveurs Elastic Metal, auxquels j’ai ajouté des couches de virtualisation moi-même. Comme je suis capable de mesurer très finement, j’ai réalisé beaucoup d’essais, qui ont donné beaucoup d’erreurs… mais suffisamment de réussites pour améliorer le fonctionnement.
Par exemple, je me suis aperçu que pour un site web PHP, pour avoir le même service rendu en termes de performance, tu peux avoir soit un stack avec Apache comme serveur web et NGINX comme proxy, soit tout faire avec LiteSpeed Enterprise.
LiteSpeed Enterprise entraîne 46% de cycles CPU en moins qu’Apache. Or le cycle CPU est ce qui coûte le plus cher en énergie.
Ce qui coûte en énergie, globalement parlant :
Comme la mémoire consomme nettement moins d’énergie que le CPU, j’essaie d’utiliser moins de CPU et plus de mémoire. On se sert de la mémoire pour faire du caching. Or un point très positif pour Scaleway : les ratios CPU/mémoire des serveurs Elastic Metal ne sont pas courants, on ne voit pas cela ailleurs. C’est comme ça que je rends plus efficient les services que je délivre.
Partout où je peux mettre du cache, je le fais. A chaque fois qu’il y a une opération nécessaire, je vais vérifier ce qui est dans le cache, et délivrer ce qui est dedans, plutôt que de refaire le calcul avec le processeur. Ainsi, on déleste une partie de l’activité CPU.
Et il y a du cache à tous les niveaux : entre le système d’exploitation et le service - entre l’OS et Apache, par exemple - ou entre le PHP et le file system… les possibilités sont nombreuses. Il suffit de le comprendre ; de développer l’outillage pour le faire ; et puis de mesurer dès le départ pour savoir si ce qu’on fait améliore la consommation électrique ou pas.
Très peu d’éditeurs cherchent à rendre leurs applications plus efficaces en énergie. LiteSpeed Enterprise le fait très bien ; son éditeur a déjà compris que certaines choses pouvaient passer par le cache, plutôt que recalculées à chaque fois.
Les développeurs pensent toujours à la loi de Moore : l’optimisation leur est égale. Ils savent que dans 18 mois, leur application tournera comme une Formule 1, parce qu’ils savent qu’il y aura plus de puissance de calcul à l’avenir. Donc pourquoi s’embêter ? Le principal défi que mon manager me donne, c’est de délivrer dans un temps record. Toute l’industrie du logiciel est comme ça. Personne n'essaie de faire plus avec moins de ressources !
Les optimisations que vous avez mis en place donnent des gains de combien?
Dans des cas bien particuliers de serveurs web qui tournent avec Apache et MariaDB, je fais une économie de plus de 38% d’électricité chez Scaleway… grâce à un ensemble de mesures :
Et un ensemble d’autres choses. Je ne peux pas tout dire ! Mais chacun sait qu'en utilisant plus de mémoire on économise le CPU… Comment je mets tout ça en œuvre nécessite quelques secrets de famille :)
Je mesure la consommation réelle du serveur, parce qu’avec Elastic Metal, j’ai accès aux données en temps réel de la carte mère, de la mémoire, des processeurs, du Bus et des disques. Et ce grâce à des logiciels tiers, de type IPMI (Intelligent Platform Management Interface), qui vont chercher dans les registres des motherboards.
IPMI est toujours en standard sur les serveurs matériels. Il faut juste écrire des lignes de code pour aller chercher ces valeurs, et les remonter dans une base InfluxDB, où je peux les analyser. Je les mesure donc en temps réel et hyper finement. C’est en standard sur les machines, c’est juste que les gens ne prennent pas le temps de faire (ces analyses). Ces données existent depuis des décennies, mais personne ne s’en sert. Or du moment qu’il n’y pas d’instances/virtualisation, tu as accès à ces informations. Il faut juste accès au serveur physique/matériel, au niveau du châssis (sur des instances, ce ne serait pas possible, car la VM n’a pas accès au hardware) .
Je mesure aussi le degré de réchauffement par serveur, et peux même mesurer le volume d’air envoyé, grâce à la donnée vitesse de rotation des ventilateurs !
1/. Sur mon site, avant l’achat, je m’engage à une consommation maximale d’énergie et d’eau à l’année. Ainsi, par exemple, pour l’offre VPS-1, je garantis que le service ne consommera pas plus que 7kWh d’électricité, ou 5cl d’eau, par an.
2/. Dans le dashboard client, service par service, mes clients peuvent suivre la consommation d'électricité et d’eau (ci-dessus), jour par jour, ainsi que les émissions.
Comment y suis-je arrivé ?
D’abord, pour le taux de carbone dans l’électricité, j'ai glané des chiffres dans différents docs de Scaleway (rapports, fiches datacenters, etc). En faisant la synthèse la plus pessimiste possible, je suis arrivé à 8 g/kWh (DC5) et 9 g/kWh (DC2) ; ce sont les deux seuls datacenters que j’utilise pour l’instant. J’ai ensuite corrigé avec leurs PUE moyen, publiés sur votre site, pour arriver à 9.8/kWh et 12.9/kWh respectivement, environ.
J’ai ensuite complété ces informations par celles que vous avez soumises à la Green Web Foundation, qui confirment que votre énergie est 100 % renouvelable.
Ainsi, j’ai le coût carbone des deux datacenters que j’utilise. Je multiplie cela par la consommation des serveurs de chaque client… et cela donne leur impact carbone individuel.
Enfin, la consommation d’électricité viennent des données INPI des machines ; et la consommation d’eau est extrapolée des WUE de chaque datacenter.
Si en plus on avait ce taux de variation du taux de carbone sur 24 heures, ce serait génial ! Mais bon… La c’est déjà pas mal, ce qu’on arrive à faire avec les chiffres qu’on a.
A terme, je veux pouvoir également montrer à mes clients les coûts énergétiques de chaque site web qu’ils ont créé pour chacun de leurs clients. Mais je ne sais pas encore faire pour rendre cela pratique !
Oui ! Il faut faire de la pédagogie sur ces sujets. Donc je fais des meetups, des conférences, des réunions, des RFP, je rends tout ça visible pour les clients, ex. dans leurs dashboards…
C’est hyper important de faire comprendre qu’il n’y a pas d’autre approche que les faits, les chiffres. On améliore pas ce qu’on ne peut pas mesurer.
J’ai des concurrents directs, qui ont leurs propres datacenters, mais ils ne sont pas dans ce cercle vertueux, cet effet d’entraînement. C’est là ou les agences web sont super importantes, de plus en plus de clients posent ce type de questions. Il y a un vrai mouvement de fond sur l'éco-design en ce moment. Même avec WordPress ! Toutes les agences sont en train de s’y mettre.
Par contre, certaines web agencies me disent qu’ils ont l’impression d’être des gouttes d’eau par rapport aux impacts négatifs, avec nos petits sites web. Je leur dis qu’il faut bien commencer quelque part ! Si chacun apporte sa goutte d’eau, à la fin on aura un océan. Puis il ne faut pas attendre que d’autres le fassent pour toi-même en faire, sinon on ne s'en sortira pas.
Le numérique représente 4 % des émissions mondiales. Comment pouvons-nous agir pour les limiter ? Quatre experts ont répondu chez Scaleway...
GreenoSoil, qui utilise de l'imagerie satellite pour promouvoir l'agriculture durable, a récemment migré d'AWS à Scaleway. Voici pourquoi !
Le secteur numérique génère 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Comment les ingénieurs, et toute personne façonnant la technologie aujourd'hui, peuvent-ils réduire cet impact ?