Comment la France compte devenir un leader mondial de l’IA

Alors que le développement de l’intelligence artificielle à Paris commence déjà à faire des vagues mondiales, État et industrie se positionnent pour convertir l’essai, comme l’a confirmé l’événement organisé début mars par HUB France IA, en partenariat avec Scaleway.

“Nos talents sont reconnus mondialement, nos startups disputent aux géants américains le podium des meilleurs modèles aujourd’hui”, a affirmé Marina Ferrari, Secrétaire d'Etat chargée du Numérique. “J’en veux pour preuve la qualité de notre écosystème ; les américains comme Google viennent de s’installer ici. Parmi les exemples les plus emblématiques : Mistral, Hugging Face, Photoroom et Kyutai”.

Et cela tombe bien : deux d’entre ces exemples emblématiques, Mistral et Kyutai, ont utilisé ou utilisent les supercalculateurs NVIDIA de Scaleway, ce qui met l’entreprise au cœur de cette vague IA française.

L’investissement IA a le vent en poupe

“Dans cette course effrénée à l’IA, nous voulons que la France sorte également gagnante, et nous devons nous imposer comme un leader incontesté,” a ajouté Ferrari. C’est pour cette raison que le gouvernement français investit dans l’IA depuis 2018, plus récemment avec un montant de 1,5 milliards d’euros d’ici 2025, dans quatre domaines prioritaires :

  1. L’IA embarquée
  2. L’IA frugale
  3. L’IA “de confiance”
  4. L’IA générative.

Ce qui est un bon début ; mais force est de constater que des investissements plus importants seront nécessaires dans un avenir proche. Ferrari a notamment évoqué l’initiative Tibi, qui consiste à augmenter la capacité de financement des entreprises technologiques, en mobilisant l’épargne des investisseurs institutionnels. Tibi a déjà permis de mobiliser 30 milliards d’euros, a-t-elle précisé, et une nouvelle itération de cette initiative la développera davantage, notamment en “accentuant la promotion de notre écosystème auprès des fonds privés.”

Plus récemment, un nouveau rapport a été remis au Président Emmanuel Macron, dont les 25 recommandations incluent celle d’une “enveloppe publique de 5 milliards d’euros par an sur cinq ans, qui pourrait même grimper jusqu’à 15 milliards d’euros annuels avec l’appui du secteur privé.”

Quelles priorités pour l’IA à la française ?

La Secrétaire d'Etat chargée du Numérique a conclu que l’IA à la française doit être “responsable, éthique et souveraine”.

Responsable, car en conformité avec l’AI Act, qui vient d’être voté par le parlement européen, et qui obligera notamment les créateurs de modèles d’IA générative à déclarer que tel ou tel contenu a été créé par une IA, et à empêcher ces modèles de créer du contenu illégal.

Éthique, car “les craintes de nos concitoyens [à propos de l’IA] sont légitimes”, a concédé Ferrari ; et souverain, car s’appuyant justement sur la maîtrise française en la matière.

La Secrétaire d'Etat a également fait référence aux 40 recommandations de Hub France IA, association organisatrice de l’événement, qui insiste également sur ces trois valeurs.

Ef effet, si l’on parle aujourd’hui d’un “printemps radieux de l’IA”, grâce à “l’écosystème vibrant” français “qui se densifie”, d’après Rim Tehraoui, Présidente de HUB France IA, “la réalité est plus contrastée, ambivalente. Les difficultés n’ont jamais été aussi prononcés ; nous sommes inquiets de l’impact environnemental et social ; et il faut trouver un équilibre entre nos choix entrepreneuriaux et sociaux,” a-t-elle souligné.

C’est notamment pour ces raisons que le rapport “40 recommandations pour placer la France parmi les leaders mondiaux de l’IA“ propose notamment de:

  • Faciliter l’accès à l’IA générative, à travers un accès privilégié au supercalculateur Jean Zay, ainsi qu’aux futurs Jules Verne et EuroHPC, sans oublier aux GPUs individuels ; la mise à disposition “aux modèles des hyperscalers en dehors de leurs environnements cloud” ; et en capitalisant sur les offres européennes de CPUs, pour favoriser la souveraineté et la frugalité énergétique
  • Stimuler la croissance de l’écosystème, en accélérant l’initiative de l’EIC, Scale-Up Europe ; en favorisant l’open source ; et en dirigeant les fonds publics vers des modèles européens, plus petits, moins chers, GDPR-compliant et plus frugaux
  • Créer la confiance, en prenant en compte la question des droits d’auteur
  • Accompagner les entreprises dans leur mise en conformité avec l’AI Act, notamment en proposant des “regulatory sandboxes”, ou zones de test réglementaires
  • Piloter et optimiser l’empreinte environnementale de l’IA, en normalisant la mesure du cycle de vie de l’IA générative ; en privilégiant les solutions souveraines européennes, surtout celles qui s’appuient sur l’énergie peu carbonée, comme en France ; en n’utilisant l’IA générative uniquement lorsque nécessaire ; et en adoptant des approches plus frugales, comme le « few shot learning », ou les modèles de petite taille.

Comment assurer l’avenir souverain de l’IA français ?

Tout d’abord, en s’appuyant sur Scaleway, fournisseur cloud et pionnier IA qui répond à de nombreux critères cités par HUB France IA ci-dessus ! “Nous tenons à soutenir cette nouvelle vague d'innovation en IA générative de façon souveraine et durable”, a affirmé Doreen Pernel, CSO de Scaleway lors du même événement. “Nos supercalculateurs, GPUs et CPUs AI sont non seulement hébergés en France, mais qui plus est dans DC5, l'un des datacenters les plus économes en énergie et en eau de tout le continent. De plus, cette stratégie vient renforcer l’approche sécurité, migration vers le cloud, adoption de l’IA et durabilité des CIOs en 2024.”

L’aspect souveraineté semble également assuré par ailleurs. Stéphane Requena, CTO de GENCI, qui opère notamment le supercalculateur Jean Zey, a insisté que son successeur, Jules Verne, comprendrait “un maximum de composants européens, pour rester le plus autonome possible” dans sa mission continue de “proposer de la puissance de calcul souverain aux chercheurs français.”

Requena a également souligné l’importance de développer des modèles légers, face à la domination de modèles “lourds”, comme ceux d’OpenAI. Bloom, un modèle ouvert alternatif à GPT3 - et dont la formation a généré 18 fois moins d’émissions - fait partie des projets soutenus par Jean Zay. “1400 chercheurs ont travaillé sur ce modèle multi-langues, sans biais et à 176 milliards de paramètres,” a affirmé Requena.

Enfin, Audrey Herblin, Head of Public Affairs de Mistral AI, a insisté que la souveraineté continue d’animer la startup star de l’IA française. “Nos fondateurs ont décidé de créer quelque chose en France parce qu’il y a un enjeu de souveraineté très fort. Ne pas laisser la main aux Américains est un vrai besoin culturel et philosophique. Ils n’ont pas quitté Meta ou Google pour y retourner après !”

L’aspect linguistique et culturel est notamment clé pour Mistral, d’après Herblin: “nous voulons couvrir un maximum de langues, européennes d’abord, pour que les modèles fonctionnent nativement, non pas en mode traduction.” C’est important, selon elle, que “les données représentent les valeurs européennes.”

Interrogée par un membre de l'audience sur le récent investissement de Microsoft dans Mistral AI, Herblin a répondu que “notre vision est d’être présent partout... Nous entendons les inquiétudes émises, mais les montants que nous recherchons ne sont pas présents en Europe”.

Ce qui rejoint habilement le point de départ de Mme la Secrétaire d’Etat : débloquer des investissements considérables dans l’IA française sera sa condition de réussite sine qua non. Dont acte !

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