Votre fournisseur cloud est-il vraiment durable?
Les conséquences de nos actions ou de notre inaction d’aujourd’hui ne feront que se multiplier au fil du temps. Alors demandons-nous: mon fournisseur cloud est-il vraiment durable ?
Le secteur numérique génère 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Les datacenters et le hardware sont les principaux contributeurs à ces émissions. Mais toutes ces machines — sans parler des logiciels, sites web, applications et bien plus encore — tournent sur du code écrit par des développeurs. Cela signifie que l'impact de leur travail est loin d'être négligeable. Alors, comment les ingénieurs, et bien toute personne façonnant la technologie aujourd'hui, peuvent-ils réduire cet impact ?
Examinons donc en profondeur l'autre côté de l'informatique verte : la partie sur laquelle nous pouvons tous faire quelque chose. Nous le ferons en quatre chapitres :
…en commençant par un tour d'horizon. Belle lecture!
Près de 4%, l'impact en gaz à effet de serre du secteur numérique est presque le double de celui de l'aviation. Bien que l’on parle beaucoup de l'avion en raison de ses émissions considérables, seulement 2% de la population mondiale vole réellement. Alors que tout le monde a un ordinateur, ou un smartphone, voire plusieurs appareils. Cela pourrait expliquer pourquoi certains experts considèrent que 4 % est une estimation assez basse. En effet, selon l'ADEME, cette proportion pourrait tripler d'ici 2050 si nos habitudes ne changent pas.
Alors que les températures montent en flèche dans le monde et que les échéances de neutralité carbone se rapprochent de plus en plus — nous devons réduire notre empreinte carbone de 80 % d'ici 2050 si nous voulons atteindre l'objectif de hausse de température de 1,5 °C fixé par l'Accord de Paris de 2015 — nous pourrions être tentés de jeter nos ordinateurs portables et d’aller vivre sur une île déserte. La bonne nouvelle, c'est qu’il n’est pas trop tard pour inverser la courbe du réchauffement planétaire. Mieux encore : les choix faits par ceux qui travaillent dans la tech peuvent avoir un impact positif, dès maintenant.
Ce que nous devons faire, cependant, c'est examiner toutes les sources d'impact de nos vies numériques de manière holistique, car elles sont toutes co-dépendantes. Aucun ne peut être pris isolément. Ensuite, nous devrons les mesurer et voir ce que nous pouvons faire pour les réduire. Ces sources sont :
Examinons donc chacune d’entre elles !
Sans datacenters, point de cloud, ni internet, ni numérique. Nous ne pouvons tout simplement pas vivre sans ces usines numériques remplies de serveurs, dont l'efficacité est la clé de leur impact potentiellement énorme. De quel niveau d'impact parle-t-on ? Cela dépend de son point de vue.
À l'échelle mondiale, les centres de données représentent 1 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à l'énergie (IEA) et 1 % de la consommation totale d'électricité dans le monde en 2018 (IEA).
En France, où les émissions totales de GES du numérique sont de 2,5 % (moins que la moyenne mondiale), seules 4 % de celles-ci peuvent être attribuées à la consommation d'énergie des centres de données. Cependant, toujours selon l'IEA (et Enerdata), les datacenters utilisent globalement presque autant d'électricité que des pays comme le Royaume-Uni :
Source : DW
Tout dépend, bien sûr, du nombre de datacenters implantés dans une zone donnée. Le Royaume-Uni est le pays européen qui héberge le plus de datacenters de son (ex) continent, par exemple. Il reste donc essentiel de déterminer comment votre fournisseur de cloud contribue à cet impact… et s'il peut être réduit.
Les facteurs clés de la durabilité des datacenters sont :
Jetons donc un coup d'œil à chacun d'eux.
Refroidir un datacenter avec la climatisation (AC), la méthode la plus courante, peut représenter jusqu'à 40 % de la consommation totale d'énergie d'une installation. Ce pourcentage pourrait être réduit de moitié si les clients du centre de données acceptaient que leurs serveurs soient refroidis à 27 °C (une température parfaitement fonctionnelle) plutôt que les 22 °C standard. Quant aux gaz HFC qui fuient souvent des systèmes de climatisation, il s'agit de gaz à effet de serre (GES) 1000 à 9000 fois plus nocifs que le CO2. C'est pourquoi l'ouvrage de référence Project Drawdown a identifié la réfrigération comme le problème numéro un à résoudre pour enrayer le réchauffement climatique.
Ensuite, considérons l'eau. L'usine de Microsoft à Middenmeer, aux Pays-Bas, a consommé 84 millions de litres d'eau en 2021, au moins quatre fois plus que ce que l'entreprise avait promis. Pourquoi? Parce que les tours de refroidissement, la technique utilisée dans ces cas, nécessitent d'immenses quantités d'eau pour être efficaces.
Les développeurs avertis devraient donc rechercher des fournisseurs de cloud utilisant des alternatives aux deux méthodes décrites ci-dessus. Le free cooling, par exemple, n'utilise que l'air extérieur pour refroidir les serveurs ; et le refroidissement adiabatique abaisse les températures de l'air extérieur en le faisant passer à travers une membrane humide, avec une dépense d'énergie et d'eau minimale.
Les sources d'énergie sont également cruciales. Avant tout, il est possible de choisir un fournisseur cloud qui n’utilise que de l'énergie renouvelable. A défaut, il s’agit de privilégier les installations dans les pays au mix énergétique le plus propre possible, c'est-à-dire au taux de carbone minimal. La France est un bon choix dans ce cas, car la majorité de son électricité provient de centrales nucléaires ou hydroélectriques, sources non-carbonées. Des pays comme les Etats-Unis, quant à eux, sont encore très dépendants des énergies fossiles pour générer de l’électricité. Sans oublier l’importance du timing : faire tourner ses plus grosses charges de calcul au moment de la journée où le mix carbone d'un pays est aussi bas que possible peut faire des merveilles pour la planète.
Les serveurs, enfin et surtout, sont un facteur essentiel de l'efficacité du centre de données. Votre fournisseur de cloud jette-t-il ses serveurs au bout de 3 à 4 ans (la moyenne du secteur) ? Ou bien les fait-il durer le plus longtemps possible, réduisant ainsi les émissions de GES du matériel, ainsi que les déchets électroniques ? Plus d'informations à ce sujet ci-dessous (rappelez-vous, nous vous avons dit que tous ces facteurs sont liés ? 🤓)
Si vous devez recharger votre smartphone tous les jours, vous aurez l'impression qu'il consomme beaucoup d'électricité. Mais le fait est que plus de 80 % des émissions de GES d'un téléphone mobile moderne provient de sa fabrication, et non de son utilisation quotidienne. C'est notamment à cause des métaux rares dont ils ont besoin, qui doivent être transportés partout dans le monde. Il est donc logique que le hardware soit responsable de plus des trois quarts des émissions de GES du secteur numérique (toujours en France, mais les proportions mondiales restent similaires). En tant que telle, toute stratégie green IT doit réduire l'impact du hardware en priorité numéro un.
Naturellement, tous les appareils n'ont pas le même impact sur la fabrication. Celui des serveurs — ceux qui peuplent les centres de données — n'est que de 15 à 30 %, par exemple. Mais quel que soit l'impact, étant donné l'énorme empreinte GES globale des appareils, l'importance de maximiser leur durée de vie est évidente. Pour prendre un exemple Scaleway, la récente décision de rééquiper 14 000 serveurs a triplé leur durée de vie et économisé l'équivalent GES de la consommation électrique annuelle de 5 000 foyers européens. Et il n'y a pas que les GES : l’e-waste est aujourd'hui le type de déchets qui connaît la croissance la plus rapide.
Donc, faire durer le matériel aussi longtemps que possible devrait être une priorité pour les fournisseurs de cloud, les développeurs et tous les utilisateurs de ces technologies. Savez-vous si votre fournisseur de cloud réutilise ses serveurs ? Vos marques et distributeurs technologiques préférés affichent-ils clairement l'indice de réparabilité de leurs produits dans les magasins (comme le fait la Fnac, par exemple) ? Vos fabricants préférés font-ils tout leur possible pour rendre leurs produits faciles à réparer ? Fairphone, par exemple, est un pionnier dans ce domaine. Inversement, Apple n'a cédé que récemment à une décennie de pression de la part des consommateurs, en proposant des kits de réparation pour iPhone.
Autre question clé du matériel green IT pour les fournisseurs de cloud et les fabricants d'appareils : utilisent-ils les composants les plus efficaces dans leur matériel, ou plutôt les plus puissants ? Hélas, le secteur de la technologie a traditionnellement penché vers ce dernier. Pensez à la loi de Moore, qui dit que la puissance des micropuces double tous les deux ans ; multipliez ensuite cet effet par le paradoxe de Jevons, selon lequel les gains d'efficacité des nouvelles technologies devraient réduire la consommation de ressources, mais ont en réalité l’effet contraire. En d'autres termes, plus nous pouvons aller vite, plus nous allons vite, que nous en ayions besoin ou non. Et avec l'IA, cette tendance ne fera que s'accélérer. Une solution parmi tant d'autres : des puces comme la série Altra Max d'Ampère, par exemple, qui offrent aux serveurs cloud les mêmes performances que les processeurs x86, tout en consommant 2,8 fois moins d'énergie.
Comme nous le verrons dans la partie 2, les facteurs ci-dessus contribuent au taux de carbone intrinsèque (embedded carbon) d'un appareil, ou à la quantité totale de carbone émise par sa création, son utilisation et sa destruction.
Proportionnellement parlant, les développeurs ne peuvent pas avoir autant d'impact que les opérateurs de centres de données ou les fabricants de matériel. Vraiment ? Alors que de nombreux aspects de ce débat — comme la question de savoir si certains langages de codage utilisent plus d'énergie que d'autres — sont encore totalement ouverts, certains sont déjà indiscutables.
Saviez-vous, par exemple, que l'inefficacité des infrastructures et des logiciels compte pour plus de 50 % des émissions de GES dans les centres de données, selon Intel ?
Ou que l'un des principaux facteurs de l'obsolescence du matériel — et donc des déchets électroniques — est le code ? Avez-vous déjà acheté un nouveau smartphone parce que votre téléphone actuel ne pouvait pas exécuter les dernières versions de vos applications préférées ? C’est parce que le code de ces apps n’a pas été écrit pour suffisamment de versions antérieures de votre OS mobile. Ainsi, rendre le code aussi rétrocompatible que possible devrait être la priorité des développeurs souhaitant favoriser le green IT.
Ensuite, il y a la question de l'efficacité. Certaines tendances actuelles sont incontournables :
Les sites Web sont-ils 191 % meilleurs aujourd'hui qu'en 2013 ? Office est-il 171 fois supérieur à sa version de 1998 ? C'est là que l’on constate l'importance d'un code clair, léger et efficace.
SonarQube, l'outil qui évalue la qualité du code, est ici l'ami du développeur green IT, tout comme EcoCode, son équivalent durable ; mais nous y reviendrons. Mesurer est essentiel, tout comme essayer des alternatives, comme la création de sites web statiques, qui ne chargent uniquement le contenu demandé par l’utilisateur, plutôt que de charger un CMS lourd comme WordPress à chaque fois (plus d’infos ci-dessous, dans notre 3ème partie).
Ce blogpost est extrait du white paper de Scaleway, "Comment les ingénieurs peuvent-ils rendre l'informatique plus durable ?", que vous pouvez télécharger gratuitement ici!
Les conséquences de nos actions ou de notre inaction d’aujourd’hui ne feront que se multiplier au fil du temps. Alors demandons-nous: mon fournisseur cloud est-il vraiment durable ?