Votre fournisseur cloud est-il vraiment durable?

Aujourd’hui, force est de constater que les fournisseurs de services cloud sont lancés dans une “course à la durabilité.” Et, à les croire, ils sont tous les champions du respect de l’environnement.

Pour ne citer que quelques exemples, le datacenter norvégien Lefdal Mine est souvent décrit comme “le datacenter le plus durable d’Europe”, puisque situé dans un environnement souterrain naturellement froid, et donc profitant d’un système de refroidissement sec. Toujours en Norvège, Green Mountain opère, de l’avis général, “les datacenters les plus verts au monde” en laissant les eaux des fjords circuler dans ses installations pour en refroidir les serveurs. De même, Scaleway est un pionnier dans ce domaine.

Dans l’ensemble, le secteur du numérique a bien progressé et a su tirer parti d’une intense compétition. Ces dix dernières années, des efforts inédits ont été faits en vue d’une plus grande efficacité des datacenters, ce qui a permis d’enrayer l’augmentation de la consommation en énergie, malgré l’envol de la charge de travail des datacenters qui a atteint 650 %*. En 2010, les datacenters représentaient environ 1 % de la consommation mondiale d’énergie, une proportion qui est restée stable malgré l’explosion de l’usage du numérique.

Malgré tout, l’impact environnemental du cloud demeure colossal. Dans ce contexte, les consommateurs, les États et les professionnels recherchent des solutions durables, tandis que les fournisseurs cloud innovent pour contribuer le moins possible au réchauffement climatique.

Ce mouvement généralisé a des effets très positifs, notamment en encourageant les actions durables par des avantages financiers. Le revers de la médaille, cependant, est un greenwashing croissant. Tout à coup, chaque opérateur déclare ses datacenters éco-responsables sous prétexte qu’il les alimente grâce aux énergies renouvelables, que leur empreinte carbone est limitée ou qu’il contribue à l’effort collectif par l’innovation.

Malheureusement, ces actions et ces discours sont souvent unidimensionnels et cachent une partie de la réalité. Certains fournisseurs mettent en avant l’efficacité de leurs datacenters mais sont étrangement silencieux concernant leur consommation d’eau. D’autres se vantent d’être à la pointe de la technologie mais se gardent bien de révéler le gaspillage et la pollution considérables qu’ils causent en remplaçant leurs équipements.

Pour atteindre une durabilité viable, une approche holistique est nécessaire. Alors, pour déterminer si votre fournisseur cloud est véritablement engagé pour l’environnement, le mieux est de vous renseigner sur l’impact de son activité en ce qui concerne sa consommation d’énergie et d’eau, ses équipements et l’efficacité énergétique de ses produits.

Consommation d’énergie

Le PUE (Power Usage Effectiveness), est un standard du secteur servant à mesurer l’efficacité énergétique d’un datacenter. Il s’agit du rapport entre la consommation totale d’énergie du datacenter et celle de l’équipement informatique.

Le plus gros de l’énergie restante est alloué au refroidissement et, dans une moindre mesure, au fonctionnement du datacenter. Par exemple, si un datacenter a un PUE de 2,0, cela signifie qu’il utilise autant d’énergie pour refroidir ses serveurs que pour les faire fonctionner.

Dans la plupart des cas, les fournisseurs cloud sont parvenus à plus d’efficacité en diminuant progressivement leur PUE moyen, passant de 2,0 à environ 1,6 en 2020. Le but du jeu est d’obtenir le score le plus bas. Certains fournisseurs affichent jusqu’à 1,06 pour les datacenters individuels.

Utiliser le PUE pour mesurer l’efficacité de l’usage des ressources peut cependant présenter des inconvénients. Cet indicateur est en effet assez flou en ce qu’il ne fait pas la différence entre les sources d’énergie. Il ne permet donc pas de préciser si le fournisseur utilise des énergies renouvelables ou non, ce qui devrait pourtant être un critère clé. Le PUE ne prend pas non plus en compte la consommation d’eau. Cela signifie qu’il peut être abaissé artificiellement en utilisant des quantités excessives d’eau pour le refroidissement, parfois au détriment de l’environnement local.

Consommation d’eau

Certains datacenters engloutissent des millions de litres d’eau par jour, notamment pour le refroidissement. Dans certains cas, plus de la moitié de l’eau utilisée provient de sources d’eau potable. Cela constitue une pression sur les ressources, et pas seulement dans les zones arides. Les régions où l’eau est abondante sont également touchées.

Par exemple, dans une petite ville des Pays-Bas, les datacenters utiliseraient 4,6 millions de mètres cubes d’eau par an, ce qui équivaut à la consommation en eau annuelle de près de 89 000 habitants. Sans surprise, les résidents craignent des pénuries d’eau potable.

La situation est encore plus grave à l’ouest des États-Unis, où les ménages ont été contraints de réduire leur consommation d’eau pour cause de sécheresse, alors que les datacenters ont échappé à ces restrictions.

Partout dans le monde, les datacenters gaspillent des milliards de mètres cubes d’eau chaque année, et pourtant moins d’un tiers des opérateurs mesurent leur consommation d’eau. Alors que la croissance démographique et le réchauffement climatique menacent d’épuiser les ressources en eau, il est inacceptable de continuer à ignorer la pression que les datacenters constituent pour les écosystèmes locaux et du monde entier.

Pire encore, certains opérateurs de datacenters tentent de purifier l’eau destinée au refroidissement à l’aide de produits chimiques extrêmement toxiques pour les écosystèmes locaux lorsque ces eaux sont déversées dans les rivières après usage.

Afin de choisir votre fournisseur cloud de façon responsable envers la planète et la société, il vous faut vous informer de la quantité d'eau qu'il utilise, de sa provenance et de son impact à l’échelle locale. S’il n’est pas capable de vous communiquer son WUE (Water Usage Efficiency), il serait préférable que vous en cherchiez un autre.

Réutilisation des équipements

Dans le discours public, l’efficacité opérationnelle est à la place d’honneur. À l’inverse, l’empreinte écologique de la production d’équipements IT et du traitement des déchets numériques est trop souvent passée sous silence. En effet, parler de la production d’e-déchets et des écoulements de produits toxiques dans les cours d’eau n’est pas très valorisant pour une organisation, alors qu’elle pourrait attirer l’attention sur son utilisation d’énergies renouvelables et de technologies de pointe.

Cependant, n’oublions pas que 15 à 30 % de l’empreinte carbone d’un serveur est due à sa fabrication. Étant donné que la durée de vie moyenne d’un serveur est de trois à quatre ans, en produire de nouveaux entraîne l’émission de grandes quantités de carbone qui passe souvent sous le radar. Sans compter la complexité des baies, qui rend le recyclage des serveurs difficile à mettre en œuvre et à financer.

Ainsi, la réutilisation, la réparation et le recyclage des équipements sont autant de façons de soutenir les initiatives durables des opérateurs de datacenters. Chez Scaleway, par exemple, la durée d’exploitation des serveurs peut atteindre 10 ans. Un de nos projets en cours est de réutiliser au moins 14 000 serveurs rien qu'en 2022, ce qui éviterait d’émettre plus de sept mille tonnes de CO2.

Le marché mondial du cloud devrait devenir dix fois plus grand entre 2020 et 2030, et la demande d’équipements ne fera alors que croître. Cependant, l’approvisionnement en processeurs, notamment depuis la Chine, piétine de plus en plus. Réutiliser les équipements peut également apporter une solution à ce problème.

Des produits peu énergivores

Depuis longtemps, certains datacenters font l’objet de critiques pour consommation excessive d’énergie. En effet, il arrive que des datacenters entiers tournent à plein régime et brûlent des quantités astronomiques de ressources alors que seule une petite portion de leur puissance de calcul est utilisée.

Ce phénomène a pu être constaté, notamment à l’époque où le cloud reposait principalement sur les serveurs dédiés, qui devaient rester en état de marche 24h/24 même s’ils n’étaient utilisés qu’à 30 % de leur capacité. De nos jours, le cloud public permet d’entrevoir de nouvelles possibilités en termes d’efficacité énergétique.

Grâce aux nouvelles technologies comme Serverless, il est possible d’augmenter ou de diminuer l’utilisation de ressources de manière flexible en fonction de la demande. De cette manière, le produit ne consomme de l’énergie que lorsqu’il est utilisé. Lorsque les ressources et les équipements ne sont plus nécessaires, ils sont réaffectés ailleurs, de façon à tirer profit au maximum de l’énergie consommée.

Une telle technique n’est pas seulement d’un meilleur rapport coût-efficacité, elle a aussi pour avantage de débarrasser les utilisateurs des tâches de gestion d’infrastructure.

Si votre fournisseur cloud offre des produits cloud peu énergivores comme Serverless, vous pouvez y voir un nouvel indice de son engagement envers le développement durable.

Responsabilité collective

Entreprises comme consommateurs, nous ne devons pas laisser se perdre les immenses efforts mis en œuvre par le secteur pour la durabilité. Il nous faut tendre vers l’excellence quoi que nous fassions, mais la lutte contre le changement climatique requiert également une approche holistique qui ne peut être réduite à une seule action individuelle.

Les conséquences de nos actions ou de notre inaction d’aujourd’hui ne feront que se multiplier au fil du temps. Les réglementations futures et la vigilance du public ont leur utilité, mais seuls les clients ont le pouvoir de transformer fondamentalement le marché, en exigeant des solutions plus responsables. Ainsi, les fournisseurs qui offrent à leurs clients la possibilité de faire des choix durables remporteront la victoire dans cette "course à la durabilité", que ce soit pour leur activité ou pour la planète.

Alors pourquoi ne pas commencer par vous demander : mon fournisseur cloud est-il vraiment durable ?

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