Recrutement et rétention des talents : pourquoi le salaire ne fait pas tout
Catherine F. Simon, Head of Global HR and Culture.
De nos jours, les plus grandes entreprises de la tech font des pieds et des mains pour attirer les talents. Salaires imbattables, programmes de cooptation attractifs, lieu de travail à la carte, super bureaux, contrats de travail modulables, rien n’est trop beau !
Mais il y a un mais…
Les gens démissionnent quand même.
Or, ce n’est pas nécessairement pour des questions de rémunération. Parmi les principales causes de démissions l’an dernier, on retrouve le manque d’humanité de la hiérarchie, des missions dénuées de sens et l’absence de perspectives d’évolution, selon une étude réalisée par Qualtrics. Bien que la plupart des entreprises fassent l’apologie de la diversité, de la responsabilité sociale et de l’aide à l’évolution professionnelle, le taux record de roulement du personnel montre que peu d’entre elles mettent leurs beaux discours en pratique.
Si une entreprise veut attirer et retenir ses talents, elle devra instaurer des valeurs et mettre en place une culture d’entreprise dans laquelle les employés se reconnaissent et trouvent du sens à leur travail.
Le problème à deux facteurs
On peut expliquer cela par la théorie des deux facteurs de Herzberg. Ce psychologue et chercheur américain a établi une distinction entre la satisfaction et l’insatisfaction au travail après avoir remarqué que ces dernières sont déterminées par différents facteurs :
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On peut diminuer l’insatisfaction par l’amélioration du facteur d’hygiène, tels que la rémunération, les avantages, la sécurité de l’emploi et les congés ;
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la satisfaction, quant à elle, peut être favorisée par l’amélioration du facteur de motivation comme relever des défis, être reconnu, se voir confier des responsabilités et travailler à des missions qui ont du sens.
Ainsi, à une époque où le facteur d’hygiène est plus respecté que jamais dans nos environnements de travail, le facteur de motivation est devenu un critère de différenciation pour les potentiels candidats.
Pour cette raison, Netflix a pris l’initiative d’exposer ses valeurs centrales dans son célèbre « Netflix Culture Memo ». De même, Google partage des témoignages et des exemples des actions sur lesquelles il appuie ses valeurs. Scaleway n’est pas en reste. Le fournisseur cloud fonde ses engagements sociaux et environnementaux sur des actions et a publié son premier rapport d’impact en 2021 afin d’en suivre la progression.
À l’inverse, les entreprises de la tech (en particulier les startups) ayant trop joué la carte du salaire avantageux pour attirer les candidats se retrouvent à court de talents. En effet, une fois remplis les critères d’hygiène, il ne leur reste pas grand chose à offrir.
De fait, il est impossible pour un employeur de sortir une culture d’entreprise de son chapeau. Il ne peut pas donner du sens au travail de ses salariés d’un claquement de doigts ou les forcer à croire à des valeurs qu’il vient d’inventer.
Réformer les facteurs de motivation est un travail de longue haleine qui nécessite un grand investissement à la fois financier et psychologique si l’on veut bien faire les choses. De plus, il est essentiel d’être transparent concernant les actions mises en place et leurs résultats pour en récolter les fruits.
Des actes plutôt que de beaux discours
Si vous êtes un employeur à la recherche de nouveaux candidats, n’attendez pas d’eux qu’ils croient tout ce que vous avancez sur parole. Vous avez, au contraire, tout intérêt à appuyer vos valeurs sur des actions concrètes :
- Diversité et inclusion : prouvez-le, recrutez en conséquence. Faites-en une valeur centrale qui guide toutes vos décisions ;
- durabilité : quels projets avez-vous mis en place ? Qui en est responsable ? Avez-vous fixé un budget ? Produisez des résultats, des chiffres, etc. ;
- flexibilité : quelles politiques avez-vous instauré ? Sur quelles règles s’appuient-elles ? À quelle fréquence vérifiez-vous qu’elles sont toujours d’actualité ?
- confiance : sur quoi fondez-vous cette culture ? Quelles actions avez-vous effectué et quels moyens consacrez-vous à la préservation de la confiance ? Êtes-vous prêt à y consacrer le temps nécessaire ?
- responsabilité sociale : en quoi la société bénéficie-t-elle de vos activités ?
Les grands noms de la tech, parmi lesquels ceux mentionnés ci-dessus, ont compris cela. Ils témoignent, par des actes, de leur engagement envers leurs valeurs et de la conscience qu’ils ont de leurs responsabilités, par rapport à leurs employés et au grand public.
Ceux qui ne font pas cet effort, au contraire, s’attirent une désapprobation internationale. Par exemple, Salesforce a fait l’objet de critiques à la suite de la démission d’une employée haut-placée qui a pointé du doigt la négligence de l’entreprise en ce qui concerne l’égalité raciale. Loin de s’en tourmenter, l’entreprise s’affiche en modèle à suivre sur ces questions et a même reçu des récompenses pour ses actions.
On peut voir dans cette mauvaise presse le coup d’éperon qui pousse les dirigeants à réaliser l’importance d’incarner leurs valeurs, de les mettre au centre de la vie d’entreprise et à parler avec transparence des succès et des échecs qu’ils rencontrent.
Le secret du sourcing de recrutement
Il n’y en a pas ! Pour attirer et retenir les candidats, il vous faut leur offrir des missions qui aient du sens et un environnement de travail galvanisant et propice à leur épanouissement, c’est tout !
Voici quatre pistes pour vous mettre sur la bonne voie :
1. Investissez dans votre culture d’entreprise plutôt que dans le recrutement
Il est recommandé de recruter entre 25 % et 50 % de vos effectifs par le biais d’un programme de cooptation. En effet, d’après les statistiques, les employés recommandés par des collègues restent 70 % plus longtemps dans l’entreprise que ceux qui ont été recrutés directement. Alors, donnez envie à vos collaborateurs existants de recommander votre entreprise à leurs connaissances. Quand les gens s’épanouissent dans leur travail, ils ne le gardent pas pour eux !
2. Donnez-leur envie de rester et quittez-vous en bon termes
Valorisez vos employés, leur environnement de travail, et soyez attentif à ce qui leur tient à cœur. Élaborez un plan de carrière pour chaque poste, et ils ne voudront plus partir.
Et s’ils décident de changer d’entreprise malgré tout, ne vous en faites pas. Le roulement est positif pour vous comme pour vos employés. Au bout de trois ans, une personne a fait le tour de ce qu’une relation professionnelle a à lui offrir, en particulier dans les métiers de la tech. De plus, les nouveaux collaborateurs apportent une nouvelle énergie et une expérience unique, enrichissant ainsi votre culture d’entreprise.
3. Tirez parti des talents de vos talents
Préférez à l’expérience des qualités comme la motivation, l’engagement, le discernement et les compétences transférables pour un tiers de vos effectifs. Revoyez régulièrement vos critères pour ne pas passer à côté du candidat idéal pour des détails techniques. Si une personne est désireuse d’apprendre, ses compétences se développeront rapidement.
4. Ne cessez jamais d’améliorer votre environnement
L’entreprise est comme le corps humain : il faut en prendre soin, lui faire faire de l’exercice, etc. Et tout comme manger des fruits et légumes régulièrement vaut mieux que faire un régime drastique deux semaines avant d’aller à la plage, un travail régulier sur vos valeurs marchera mieux que créer votre culture d’entreprise ex nihilo.
Si vous suivez ces préceptes, les candidats viendront frapper à votre porte. Tout le monde a besoin de défis à relever, de projets qui aient du sens et d’être reconnu pour son travail.
L’argent fait le bonheur… jusqu’à un certain point !
Nous ne sommes pas en train de dire que le salaire ne compte pas. Au contraire, même très motivés, vos collaborateurs ne resteront pas longtemps s’ils ne sont pas rémunérés à la hauteur de leur contribution. Cependant, comme les salaires tendent à s’uniformiser dans le secteur de la tech, les talents vont privilégier les entreprises qui ont autre chose à leur offrir.
Encore faut-il tenir vos promesses. Sans quoi, les talents partiront vite en quête de plus verts pâturages. Cependant, une entreprise ayant instauré des valeurs concrètes et qui font écho à celles du candidat, a de quoi former de bonnes relations professionnelles avec ses employés, et pour longtemps.